
L’orientalisme est un mouvement littéraire et artistique né en Europe occidentale au XVIIIe siècle. Par son ampleur et sa vogue, tout au long du XIXe siècle, il marque l’intérêt et la curiosité des artistes et des écrivains pour les pays du couchant (le Maghreb) ou du Levant (le Moyen-Orient).
De manière plus large, l’orientalisme est un mouvement qui marque l’intérêt de l’Occident pour l’Orient. Depuis plusieurs siècles, l’Orient inspire artistes et écrivains. Mais c’est au XIXe siècle qu’apparaît un véritable engouement pour l’Orient. Victor Hugo note en 1829, dans la préface des Orientales, que « l’Orient est devenu une préoccupation générale« .
L’orientalisme naît dans la fascination de l’Empire ottoman et suit sa lente désagrégation après la guerre d’indépendance grecque des années 1820 et la progression des colonisations européennes. Cette tendance exotique s’associe avec tous les courants artistiques du XIXe siècle, académique, romantique, réaliste ou même impressionniste. Elle est présente en architecture, en musique, en peinture, en littérature, en poésie… Esthétique pittoresque, confondant les styles, les civilisations et les époques, l’orientalisme a créé de nombreux clichés et poncifs que l’on retrouve aujourd’hui encore en littérature ou au cinéma.
Initié en France par l’évocation du monde ottoman dans Le Bourgeois gentilhomme de Molière au XVIIe siècle et par la traduction des Contes des Mille et Une Nuits par Antoine Galland en 1711, c’est un mouvement artistique qui marque l’intérêt dès cette époque pour les cultures des peuples de toutes les régions dominées par l’Empire ottoman, d’Afrique du Nord jusqu’au Caucase. Cet attrait pour l’ailleurs, la recherche de l’exotisme, influença la société occidentale.
Les salons de la bourgeoisie et de la noblesse donnèrent réceptions et bals costumés sur le modèle fantastique et coloré des cours d’Orient: la mode des Turqueries est associée à la mode des chinoiseries rococo ou baroque. Certains personnages fortunés prirent la pose, pour faire peindre leur portrait, déguisés en sultan ou en émir.
Un des exemples les plus fameux de cette esthétique en musique est la Marche turque de Mozart. Cet orientalisme servira de « couverture » à Voltaire et Montesquieu, respectivement dans Zadig et les Lettres persanes, car ils trouveront là un stratagème pour faire la satire du monde occidental sous couvert de personnages étrangers. Dans Le Prince philosophe, publié pendant la Révolution française, Olympe de Gouges développe une réflexion sur le pouvoir par le récit d’aventures à Siam, à Golconde et en Chine.
De 1798 à 1801, la campagne d’Égypte menée par le général Napoléon Bonaparte vient bouleverser l’histoire de l’art. De par son allure d’expédition scientifique, elle permet une représentation plus réaliste du paysage et des costumes d’Égypte, tout en offrant aux peintres français des détails et faits réels sur lesquels s’appuyer dans leurs œuvres, comme c’est le cas pour les batailles d’Aboukir, ou les pyramides. Les détails de cette expédition sont rapportés par Antoine-Jean Gros qui, bien qu’absent, vient illustrer le voyage de plusieurs tableaux, notamment Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, le Combat de Nazareth ou encore La Révolte du Caire. Cette expédition ouvre ainsi la voie à l’égyptomanie.
Le roi Charles X s’illustre en 1830 par une conquête de l’Algérie aux forts accents patriotiques et Louis-Philippe parvient à l’annexer au royaume de France en 1834. Pour les artistes français, c’est l’occasion de découvrir ces régions alors fermées, ouvrant la voie à un orientalisme désormais mieux ancré dans la réalité. Delacroix se rend au Maroc en 1832, Horace Vernet en Algérie en 1833. Vernet est envoyé à la demande de Louis-Philippe et arrivé en peintre officiel, il est reçu avec des marques considérables d’attention: deux bataillons lui sont affectés pour ses déplacements. Il reviendra durablement marqué par la découverte du pays.
Inspiré par le Moyen-Orient, l’art orientaliste pictural ne correspond en France à aucun style particulier et rassemble des artistes aux œuvres et aux personnalités aussi différentes et opposées qu’Ingres, Eugène Delacroix, Alexandre-Gabriel Decamps, Horace Vernet, Théodore Chassériau, Jean-Léon Gérôme, Eugène Fromentin, Félix Ziem, Alexandre Roubtzoff, jusqu’à Auguste Renoir (avec son Odalisque de 1884), ou même Henri Matisse et Pablo Picasso au début du XXe siècle. Émile Guillemin et Alfred Barye sont connus pour leurs sculptures du XIXe siècle, dont le Le Cheval arabe.
C’est donc plutôt un thème vaste qui parcourt les différents mouvements picturaux dès cette période.
Un exemple fameux d’architecture orientaliste se trouve dans le château de Sammezzano en Toscane en Italie, construit au milieu du XIXe siècle. En France, sous le Second Empire, le style est associé aux Expositions universelles, en particulier celle de 1867 qui reconstruit un quartier turc du Bosphore.
L’orientalisme est synonyme d’architectures de loisirs, de bains de mer, de casinos et thermes mauresques qui sont construits à Trouville ou Hendaye, des Eaux-Bonnes à Aix-les-Bains.
Caractéristiques
- Thématiques : Les artistes orientalistes dépeignent souvent des scènes de la vie quotidienne, des paysages exotiques, des harems, des marchés et des rites religieux, cherchant à capturer une atmosphère de mystère et d’exotisme.
- Style : Les œuvres orientalistes sont souvent riches en couleurs et en détails, intégrant des motifs et des éléments architecturaux inspirés des cultures orientales. L’usage de la lumière et des ombres est aussi crucial pour créer une ambiance particulière.
- Réalisme et Idéalisation : Bien que certains artistes aient cherché à représenter le monde oriental de manière réaliste, d’autres ont idéalisé et romancé ces cultures, reflétant parfois des stéréotypes ou des fantasmes occidentaux.
- Artistes Notables : Des peintres comme Eugène Delacroix, Jean-Léon Gérôme, et John Frederick Lewis sont souvent cités comme figures emblématiques de ce mouvement. Leurs œuvres ont contribué à façonner la perception occidentale de l’Orient.
- Contexte historique : Le mouvement orientaliste s’est développé dans le contexte de la colonisation et de l’exploration, où l’Occident cherchait à comprendre et à représenter des cultures qu’il considérait comme « l’autre ». Cela a souvent entraîné des représentations biaisées et des généralisations.
Salon des peintres orientalistes
En 1893 à Paris, a lieu la création du Salon des peintres orientalistes, qui montre le succès des thèmes exotiques. Puis en 1908 est fondée la Société coloniale des artistes français.
L’orientalisme moderne, en peinture, est le prolongement de l’orientalisme dit classique, et prend sa source vers les années 1905-1910 avec la création de la villa Abd-el-Tif et de son prix dès 1907. Il trouve son plein épanouissement après la Première Guerre mondiale pour se prolonger jusqu’en 1960. Outre cette école, des peintres contemporains des années 1910-1970 ont brillamment repris et continué le motif orientaliste, paysages, nature, scènes de genre, tels Henri Pontoy (1888-1968), Jacques Majorelle (1886-1962), Paul Élie Dubois (1886-1949), Edy Legrand (1892-1970) jusque Gustave Hervigo (1896-1993), Paul Fenasse (1899-1976), Rudolf Ernst (1854-1932).
Orientalisme contemporain
Après le démantèlement de l’Empire colonial français et l’indépendance de l’Algérie, il n’y a plus à proprement parler d’école orientaliste, mais des peintres d’inspiration orientaliste, comme les Français Jean-François Arrigoni Neri (1937-2014), Roman Lazarev (né en 1938), ou Patrice Laurioz (né en 1959), et l’Algérien Hocine Ziani (né en 1953).
La plupart de ces peintures nous dépeignent un orient entre réalité et imaginaire. Tous les artistes ayant, à cette époque, représenté l’Orient n’ont pas obligatoirement voyagé dans les pays du Moyen-Orient. Cependant, la majorité des peintres dits orientalistes tels que Delacroix et d’autres ont entrepris de longs voyages dans les pays du Maghreb pour en rapporter de nombreux carnets de croquis dont ils se servirent pour la composition de leurs peintures une fois revenus au pays.
L’orientalisme a eu un impact durable sur l’art et la littérature, mais il a aussi suscité des critiques pour sa tendance à simplifier ou à déformer les cultures qu’il représentait. Aujourd’hui, le terme « orientalisme » est souvent examiné à travers le prisme des études postcoloniales, mettant en lumière les dynamiques de pouvoir entre l’Orient et l’Occident.