Fluxus

Fluxus
Problème existentialiste du 10 octobre – Patrice Robin (2022)

Fluxus est un mouvement artistique né dans les années 1960 qui touche aussi bien les arts visuels que la musique et la littérature, par la réalisation de concerts, de happenings, la production de livres, de revues, la confection d’objets.

Lancé par George Maciunas qui en inventa également l’appellation, Fluxus participe aux questionnements soulevés par les formes d’arts qui voient le jour dans les années 1960 et 1970: statut de l’œuvre d’art, rôle de l’artiste, place de l’art dans la société, notamment. L’humour et la dérision sont placés au centre de la démarche et participent à la définition de Fluxus comme un non-mouvement, produisant de l’anti-art ou plutôt un art-distraction.

Entre 1958 et 1961, de jeunes artistes, influencés par le mouvement dada, par l’enseignement de John Cage — lui-même inspiré par la philosophie zen et les ready-made de Marcel Duchamp —, effectuèrent un minutieux travail de sape des catégories de l’art par un rejet systématique des institutions et une profonde remise en question de la notion d’œuvre d’art.

À la New School for Social Research, John Cage proposait en 1958 un cours intéressant aussi bien les musiciens que les artistes et les écrivains. C’est dans ce laboratoire que se rencontrèrent plusieurs des initiateurs du mouvement Fluxus: Jackson Mac Low, Dick Higgins, George Brecht, La Monte Young, ou encore Yoko Ono.

Aux côtés d’Allan Kaprow et Robert Watts, également élèves de John Cage, George Brecht proposa, en 1958 un projet visant à supprimer les frontières entre toutes les formes artistiques et la vie, mais aussi la science et les techniques. Parallèlement, dans la lignée directe de John Cage, Allan Kaprow développe les happenings tandis que George Brecht met en scène des events. La Monte Young, lui, explore les dimensions musicales ouvertes par John Cage et poursuit son travail sur le silence: c’est à la New School for Social Research qu’il rencontre Yoko Ono, dont l’atelier est un lieu permanent de manifestation aux croisement de la musique et de l’« action vivante ».

George Maciunas organise alors dans sa galerie AG des événements. Davantage versé dans le graphisme, il en assure la promotion: c’est sur le programme de l’un d’eux que l’on peut lire pour la première fois, en 1961, le mot Fluxus. Sous l’impulsion de La Monte Young, il réalise en 1961 une publication qui regroupe des œuvres des artistes officiant chez Yoko Ono et à la galerie AG, mais aussi Nam June Paik, continuateur de l’œuvre de John Cage. Intitulée An Anthology, elle porte en sous-titre les concepts qui représentent la diversité du mouvement qui ne porte pas encore le nom de Fluxus.

En 1963, Charlotte Moorman organise le premier Annual Avant Garde Festival of New York. Ce festival de musique expérimentale a lieu dans divers endroits de la ville de façon à favoriser les rencontres entre le public et les artistes. La dernière édition de ce festival a lieu en 1980.

En 1964, l’œuvre Cut Piece réalisée par Yoko Ono est également une œuvre majeure pour l’art de la performance et du happening pour ce mouvement.

Premier prix de la sardine concours mondial à Faro (Portugal) – Installation avec une boite de sardines à la tomate et une clé à sardines sur fond bleu Klein – Patrice Robin (2022)

Avec le festival Fluxus Internationale Festspiele neuester Musik donné à Wiesbaden, en Allemagne, et organisé par George Maciunas, avec l’aide de Joseph Beuys le mouvement Fluxus est pour la première fois clairement identifié.

Suit alors une tournée Fluxus européenne, durant laquelle plusieurs artistes se lient au mouvement, dont Robert Filliou et Ben Vautier, qui en représentent la branche française. On compte parmi les destinations Fluxus Copenhague (Festum Fluxorum) et Paris en 1962, Düsseldorf, Amsterdam, La Haye et l’un des plus importants, le Fluxus Festival of Total Art de Nice, organisé par Ben, en 1963. Parmi les actions menées: « Gifler, sans l’avoir prévenue, une charcutière » ou « faire du vélo dans les airs en hurlant.« 

L’argent manquant, le vaste programme de festivals qu’avait imaginés George Maciunas s’interrompt. Il reprend alors l’édition d’une revue commencée par George Brecht, V TRE, et en fait la revue Fluxus. Elle sera définie ironiquement par ses éditeurs comme « l’organe officiel de Fluxus. » Six numéros sortiront entre 1964 et 1966, avant de s’espacer.

En parallèle sont lancées les boîtes Fluxus, boîtes distrayantes initiées par George Brecht et qui matérialisent certains de ses events. Par exemple, citons la boîte Swim puzzle, dans laquelle on trouve un coquillage et le texte: « Arrangez les billes de sorte que le mot « C.U.A.L » n’apparaisse jamais. » Notons que, George Maciunas étant daltonien, la plupart des boîtes Fluxus sont en noir et blanc. Comme il voulait chaque boîte Fluxus libre de tout copyright et appartenant au domaine public, il se chargea lui-même des impressions et éditions de chacune. Mais le but de ces boîtes Fluxus est quand même mercantile, tout du moins dans l’idée de rentabiliser la production et surtout de diffuser les travaux des artistes estampillés « Fluxus » par Maciunas, et ceci dans un esprit diamétralement opposé à celui du marché de l’art traditionnel. Mais, malgré tout ses efforts, cette diffusion reste finalement un échec commercial.

Patrice Robin est dans le bleu à Lunas le 23 juillet 2005

Fluxus se caractérise par la difficulté à le définir. On compte peu de textes théoriques le concernant, l’un des seuls étant le manifeste de George Maciunas, qui ne représente en fait qu’une partie des concepts relatifs au mouvement. George Brecht a également tenté de résumer les aspirations de Fluxus: « Avec Fluxus, il n’y a jamais eu aucune tentative d’accord sur des buts ou des méthodes; des individus avec quelque chose d’indescriptible en commun se sont simplement et naturellement réunis pour publier et jouer leurs œuvres. » Nam June Paik, lui, définissait Fluxus comme « de nombreuses personnes qui sont toutes libres, […] autant de personnes qui sont restées amies aussi longtemps, sans discipline et sans dispute. » Alors même que la définition du mouvement soit presque impossible à faire, il est toujours possible de dégager deux traits communs entre les œuvres: la provocation néo-dada et des références fondatrices aux expériences musicales de John Cage.

Tout est art

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Le but avoué de ce mouvement artistique était de supprimer toutes frontières entre l’art et la vie: tout est art. Les œuvres Fluxus ne sont pas formelles, ni esthétisées, et ne sont pas même considérées comme des œuvres. L’accent est également mis sur la mise en scène du banal, du quotidien, de tout ce qui ne serait pas de l’art: on ne crée pas un « art beau » mais on met en œuvre un style de vie.

En intégrant le public à la performance artistique, les artistes Fluxus veulent supprimer l’idée d’un art qui se donne à voir et mettent plutôt en avant l’idée d’un art qui s’expérimente, se vit. Fluxus a une réelle volonté de « transférer des responsabilités » sur le public. Les artistes Fluxus insistent également beaucoup sur le côté éphémère de leur art, ainsi, Ben Vautier affirme que « toute rétrospective de Fluxus est une fossilisation de Fluxus. »


Pour en finir avec l’Art Moderne, Performance de Patrice Robin avec l’aide de Philippe Verly à Sète (Hérault) en août 2005.

Caractéristiques

  • Interdisciplinarité : Fluxus mélange différentes disciplines artistiques, incluant la musique, la poésie, la performance, le théâtre et les arts visuels. Les artistes impliqués rejettent les classifications traditionnelles de l’art.
  • Performance et événements : Les œuvres de Fluxus prennent souvent la forme de performances ou d’événements publics, où l’interaction avec le public est essentielle. Ces événements peuvent être improvisés et sont souvent conçus pour être éphémères.
  • Humour et ludisme : Le mouvement utilise fréquemment l’ironie, l’humour et le détournement pour remettre en question les conventions artistiques et culturelles. Les œuvres peuvent inclure des objets quotidiens ou des instructions simples.
  • Philosophie de l’art accessible : Fluxus promeut l’idée que l’art doit être accessible à tous et ne doit pas être limité aux galeries ou aux musées. L’art est considéré comme une activité de la vie quotidienne.
  • Collaboration : Les artistes Fluxus travaillent souvent ensemble, créant des œuvres collectives et partageant leurs idées et pratiques. Ils rejettent l’idée de l’artiste individuel comme génie.

Fluxus, plus qu’un mouvement en tant que tel, est un état d’esprit, un espace de liberté, de partage, d’amitié, dans lequel vont se reconnaître des dizaines d’artistes de toutes nationalités. Un mouvement international est né autour de cette pratique iconoclaste et très ludique de promotion d’un non-art. Fluxus a des liens conceptuels étroits avec les mouvements qui l’ont précédé: le Futurisme et le manifeste de Filippo Tommaso Marinetti de février 1909, le Dadaïsme avec les manifestes Dada de Richard Huelsenbeck d’avril 1918 puis de Tristan Tzara de juillet 1918, ou encore le manifeste cannibale Dada, celui de Francis Picabia de mars 1920. Le rejet des institutions, de la notion d’œuvre d’art, de l’art mort, l’envie de révolutionner et purger le monde de la culture « intellectuelle, professionnelle et commercialisée » poursuit d’une certaine manière la tendance au non-art répandue chez ces précurseurs.

Autoportraits? Patrice Robin (2022)

Durant près de vingt ans Fluxus restera fidèle à un humour provocant, à l’explosion des limites de la pratique artistique, à son désir d’abolir toute frontière entre l’art et la vie.

Fluxus compta des personnalités prestigieuses et variées comme: Éric Andersen, Joseph Beuys, George Brecht, John Cage, Giuseppe Chiari, Philip Corner, Charles Dreyfus, Jean Dupuy, Robert Filliou, Henry Flynt, Geoffrey Hendricks, Dick Higgins, Allan Kaprow, Alison Knowles, La Monte Young, Jean-Jacques Lebel, Charlotte Moorman, Jackson Mac Low, George Maciunas, Nam June Paik, Yoko Ono, Ben Patterson, Willem de Ridder, Serge III, Daniel Spoerri, Benjamin Vautier, Wolf Vostell, Emmett Williams, le Groupe Zaj et bien d’autres encore.

L’énergie est toujours grande et Fluxus continue de marquer les pratiques contemporaines.

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